Résidence d’écrivain : Poésie et faits divers (2019-2020)
Résidence d’écrivain Région Île-de-France, à l’espace Associatif l’Achronique (42, rue du Mont-Cenis, 75018 Paris), de septembre 2019 à juin 2020. Action financée par la région Île-de-France
Une structure et un auteur pour un projet commun
Dans le cadre du projet de Résidence écrivain Île-de-France, Laure Gauthier est en résidence à l’espace associatif l’Achronique à partir de début septembre 2019. Elle interroge le rapport entre poésie et réel par le prisme du fait divers : que peut la poésie face au fait violent qu’il soit intime ou politique et contre la « fait-diversification » de la langue ?
Le projet est né d’une rencontre entre un auteur, Laure Gauthier, et un lieu associatif « l’Achronique » ( 42, rue du Mont-Cenis, Paris 18e), qui a débouché sur la construction, en collaboration étroite avec Caroline Guth, sa directrice, d’un projet de résidence d’écriture : depuis 2018, Caroline Guth souhaite réorienter le projet de l’association l’Achronique vers une ligne plus engagée et prospective.
Pour cela, elle a décidé de cesser son activité de galerie pour se concentrer sur le soutien à la création culturelle, notamment littéraire, mise à mal par la prédominance de l’actualité, du journalisme et l’impératif de rentabilité immédiate. Dans cet esprit, elle a créé en octobre 2018 une revue, Les Cahiers A’chroniques, ayant pour vocation de faire entendre des voix créatives et critiques, étouffées par la tyrannie marchande. L’association invite des publics divers à des rencontres autour de projets culturels. Laure Gauthier et Caroline Guth ont construit ensemble ce travail sur la « fait-diversification » et la « gros-titrisation » de la langue aujourd’hui, et décidé de créer des ponts au sein du quartier, le 18e arrondissement de Paris, entre divers publics et diverses institutions afin de médiatiser les écritures contemporaines, et de permettre à des publics n’ayant d’habitude pas accès aux écritures contemporaines de se familiariser avec une autre langue. C’est l’Achronique qui accueille l’auteur pour qu’elle mène à bien son projet d’écriture Les corps caverneux.
Le projet
Le fait divers a longtemps recouvré une valeur transgressive en littérature. En créant des rubriques « faits divers » dès 1838, la presse a ouvert une brèche dans la morale dominante et a permis d’exposer au public des faits commis par des anonymes, souvent violents, qui parfois sortent seulement de l’ordinaire mais qui touchent toute la population. Au XIXe siècle et au début du XXe, narrer un fait divers dans un roman ou dans un drame, c’était faire éclater la morale bourgeoise et laisser voir au grand jour le refoulé, la pulsion sexuelle, la pulsion de mort qu’occultaient les préceptes religieux ou moraux. Les exemples sont nombreux, mais l’on pense surtout au Woyzek de Georg Büchner (1837), transgressif au point d’être interdit de représentation pendant un siècle, à Maupassant qui affirmait « le fait divers, c’est la vie », et qui prenait appui dans ses nouvelles comme La petite Roque sur des faits réels, ou encore à Madame Bovary de Flaubert, inspirée par l’affaire Delamare. Et plus récemment songeons à la pièce de théâtre de Jean Genet Les Bonnes, écrite à partir de l’affaire des sœurs Papin. Ces catastrophes, qui semblent inexplicables et échapper au sens commun, permettent d’explorer les zones d’ombre de l’être humain et de la société.
Aujourd’hui encore bien des romans appuient leur récit sur des faits divers. Mais l’époque est autre : notre langue, les médias sont envahis par la « fait-diversification » de la langue et traitent de faits qui ne relèvent pourtant pas de cette catégorie à la façon sensationnaliste des faits divers : s’en suit une dépolitisation du fait mais aussi un sacrifice de l’intime. La presse et de nombreux récits vont tellement loin dans la complaisance avec des faits traumatisants qu’il semble important de reposer la question de la valeur du fait divers en littérature et de se repositionner face à lui. Depuis quelques années, les romans écrits à partir de faits divers ne sont que rarement des récits transgressifs ou novateurs. Ces récits, souvent complaisants, ont cessé d’interroger l’ordre de la langue dans l’espoir de mieux se vendre. Le fait divers semble également abandonné depuis longtemps par les poètes, même si quelques contemporains s’en ressaisissent comme François Bon, dans Un fait divers, Frank Smith qui, à partir d’un meurtre survenu en Alabama, adresse dans Le film des questions (Plaine Page, 2014) une série de questions à la fois au récit poétique et au récit filmique qui en est tiré ou encore, plus récemment, Marie de Quatrebarbes, qui, dans Voguer (POL, 2019), évoque le meurtre de Michael Brown, jeune afro-américain, tué par un policier à Ferguson.
En tant que poète, je me trouve face à une double nécessité : celle de trouver une langue poétique qui dénonce l’envahissement des faits divers, et, par ailleurs, celle de proposer une langue de l’intime qui permette au lecteur d’avoir accès à des espaces intacts en lui. Les corps caverneux veulent être un repère contre la fait-diversification et un repaire pour l’intime malmené. Le récit poétique entend éclairer les modes opératoires de la violence dans notre société, une société qui à force d’euphémismes et de dysphémismes, en atrophiant le langage et en l’édulcorant, crée un monde mortifère.
Rédaction du récit poétique « Les corps caverneux »
Les corps caverneux est un récit poétique qui se déroule en plusieurs séquences. Ce texte évoque les trous et cavernes en nous, ces espaces intimes, prétendument vides, que notre société capitaliste tardive malmène et tente de remplir d’achats, de sucres, de photos ou encore de faits divers. Tout est entrepris pour que l’intime soit exposé, rendu public, une désappropriation qui empêche l’individu de se replier, de toucher le fond de la grotte, afin de pouvoir entendre sa langue singulière et avoir la force de ressortir de sa caverne vers la lumière de la connaissance et de la vie, la force de résister au monde qui l’entoure, de réarticuler celui-ci. Chaque séquence est une alvéole qui à la fois fait entendre la violence du monde en exposant son mode opératoire, et propose un voyage à travers des lieux, des espaces-temps désertés. Chaque voyage est l’occasion d’entendre une musique singulière de nos espaces creux, une musique de nos cavernes.
On traverse ainsi « rodez-blues », « les corps cav. », « stances à l’adolescence », « la chambre et l’abeille (epadh-mélodie) », « une rhapsodie pour qui » ou encore « la forêt blanche », « désir de nuages ».
Entretien de Laure Gauthier sur sa résidence et Les corps caverneux : « Poésie vs faits divers. Entretien avec la poète Laure Gauthier », in : Cahiers A’chroniques, n°3, janvier 2020, p. 14-39.
Carte blanche à l’Achronique : Laure Gauthier invite des poètes à dialoguer avec elle et à lire leurs textes autour du projet « Poésie et faits divers »
Durant cette résidence Laure Gauthier écrit un récit poétique Les corps caverneux en partenariat avec l’espace associatif l’Achronique (42, rue du Mont-Cenis, 75018 Paris) et sa directrice Caroline Guth.
Elle invite durant la résidence une cohorte vigilante de poètes à lire et à entrer en dialogue avec le public autour de cette notion de « fait-diversification » de la langue et de la société. Certains comme Séverine Daucourt-Fridrikson, François Bordes ou encore Christophe Manon interrogent le rapport au réel, la notion de faits et évoque l’intime traumatisé, ce qui aurait pu faire fait divers mais se réarticule autrement en poésie ; tandis que Frank Smith, Arno Bertina ou encore Marie de Quatrebarbes construisent des récits poétiques à partir d’un fait divers réel.
Les rencontres ont lieu les dimanches à l’Achronique de 16h à 18h.
17. 11. 2019 : Laure Gauthier reçoit Séverine Daucourt-Fridrikson pour Transparaître (LansKine, 2019) et lit un extrait des Corps caverneux : « Une rhapsodie pour qui ». Il s’en suit un dialogue autour de la notion d’intime malmené, de l’adolescence exposée, du corps en poésie, des faits traumatisants et de ce qui aurait pu finir dans une chronique de fait divers.
15. 12. 2019 : Laure Gauthier reçoit François Bordes pour La dénoyée (éd. Corlevour, 2019). Dialogue autour de la notion de fait divers, d’archives, et du positionnement de la poésie face au réel.
02. 02. 2020 : Laure Gauthier reçoit Christophe Manon qui lira des extraits de Patûre de vent (Verdier, 2019) et parlera de récits d’enfances ou d’adultes « plus ou moins cauchemardesques » (Florian Caschera) ainsi que de sa façon de parvenir à faire se cabrer le récit de façon extrême et lumineuse.
08. 03. 2020 : Laure Gauthier reçoit Arno Bertina pour Des châteaux qui brûlent (Verticales, 2017, Gallimard, 2019) et lira un extrait des Corps caverneux. Cette rencontre sera l’occasion de s’interroger sur le lien entre écriture et politique, sur l’importance aujourd’hui de ne pas « faire diversion », selon l’expression de Bourdieu, sur le caractère politique de nombreux fait divers.
22. 03. 2020 : Laure Gauthier reçoit Frank Smith pour évoquer son travail autour des faits divers, notamment Le film des questions mais aussi un projet en cours. Cette rencontre sera l’occasion d’interroger le rapport de la poésie au réel, le lien entre le singulier et le collectif, celui entre poésie et politique.
03. 05. 2020 : Laure Gauthier reçoit Marie de Quatrebarbes qui lira des extraits de Voguer (éd. POL, 2019) et parlera de la représentation de la violence en poésie, du fait divers et de sa façon de retravailler ce réel.
02.10 Rencontre à l’Achronique (Paris)
Horaire : 19h
Lien internet : Evènement Facebook
Voir la captation vidéo et audio de la soirée sur remue.net :
08.03 En résidence, Laure Gauthier reçoit Arno Bertina
Poésie et faits divers #4 :
Dans le cadre de sa Résidence d’écrivain Ile-de-France, Laure Gauthier reçoit Arno Bertina.
Arno Bertina lira des extraits de Des châteaux qui brûlent (Verticales, Gallimard, 2017) et de son récent L’Âge de la la première passe (Verticales, 2020) et Laure Gauthier lira un extrait de Les corps caverneux, qu’elle écrit en résidence. Ils s’entretiendront autour du lien entre littérature et faits divers.
Lieu : Galerie l’Achronique, 42 rue du Mont-Cenis, Paris 18e
Horaire : Dimanche 8 mars à 16h
Lien : galerie Achronique et Sur facebook : facebook
Arno Bertina et Laure Gauthier
02.02 en résidence Laure Gauthier reçoit Christophe Manon
Poésie et faits divers #3
J’invite le poète Christophe Manon à l’Achronique avec la complicité de Caroline Guth dans le cadre de mon projet de résidence d’écrivain Ile de France « POESIE ET FAIT DIVERS ».
Christophe sera invité à lire des extraits de plusieurs de ses textes et à discuter sur ce que peut ou ne peut pas la poésie face à la « fait-diversification » de la langue et de la société.
crédit photo : Laure Gauthier @ Chama Chereau
Projet de Résidence d’écrivain (Région Ile de France) à l’espace Associatif l’Achronique (Paris, 18ème)
A propos de « Poésie et faits divers #3 », voir remue.net
15.12 en résidence Laure Gauthier reçoit François Bordes
J’invite le poète François Bordes à l’Achronique avec la complicité de Caroline Guth dans le cadre de mon projet de résidence d’écrivain Ile de France « POESIE ET FAIT DIVERS ».
François sera invité à lire des extraits de son livre « La Dénoyée (suivi de Troupes) (De Corlevour, 2019), et à discuter sur ce que peut ou ne peut pas la poésie face à la « fait-diversification » de la langue et de la société.
Je lirai un extrait du livre Les Corps caverneux que j’écris en résidence.
Dimanche 15 décembre de 16h à 18h
Entrée libre dans la limite des places disponibles
Lieu : L’Achronique, 42 rue du Mont Cenis, 75018 Paris
17.11 en résidence Laure Gauthier reçoit Séverine Daucourt
Projet de Résidence d’écrivain (Région Ile de France) à l’espace Associatif l’Achronique (Paris, 18ème)
Dans le cadre de sa résidence d’écrivain Ile de France, à l’Achronique, Laure Gauthier reçoit la poète Séverine Daucourt à lire « Transparaître » (LansKine 2019) et à débattre avec elle de la poésie et des faits divers : comment retravailler des faits intimes violents en poésie.
Avec les soutiens de :
action financée par la région Ile de France
Ateliers d’écriture au lycée Jules Ferry en collaboration avec Marina Plus et une classe de première, spécialité histoire des arts.
L’autre volet du projet consiste à conduire des ateliers d’écriture avec une classe de première du Lycée Jules Ferry (77, boulevard de Clichy, Paris 9e) afin de créer un pont avec le lieu associatif l’Achronique et de convier les élèves des ateliers aux « cafés littéraires ». Laure Gauthier est accueillie entre septembre 2019 et juin 2020 dans la classe de première de Marina Plus et y anime une douzaine d’ateliers, en complicité pédagogique avec l’enseignante.
Ceux-ci s’articulent autour de l’écriture de l’intime malmené et de la notion de fait divers. La littérature d’aujourd’hui n’étant plus représentée dans le programme des classes de première, il sera important de mettre les élèves en présence de formes, d’écritures et de thèmes actuels, tout en faisant parfois des liens avec la littérature au programme, par exemple en réécrivant le fait divers dans Le Rouge et le Noir de Stendhal.
Dans ces ateliers, chaque élève sera amené à trouver un angle d’écriture : écriture documentaire, biographie, écriture avec contrainte, satire etc. Mais chacun sera aussi invité à trouver sa voix poétique, tant dans des formes écrites que dans des formes sonores : quelle est la voix de l’auteur dans son texte ou lors de sa lecture ? Comment construire un texte polyphonique aujourd’hui ? Quelle est la « voix » du fait divers et des victimes dont il fait état ? Comment ne pas se faire ensevelir par les voix sensationnalistes et trouver sa propre langue ? Comment désensevelir sa voix dans le flux continu d’informations ? Il s’agit d’aider les élèves à résister à une langue médiatique et journalistique racoleuse en explorant d’autres contrées de leur langue. Les élèves seront invités à produire des textes et à trouver leur voix pour les lire. Ils seront aussi amenés à créer des poèmes sonores jouant sur l’improvisation ou à travailler sur un montage sonore simple à partir par exemple de faits divers (web)radiophoniques. Les premières séances seront consacrées à la voix écrite du texte, d’autres séances à la voix dans un dispositif sonore et à la voix de la lecture.